Pourquoi on a organisé un hackathon sur l'info locale à La Montagne

Une question que j'aurais aussi pu formuler ainsi : pourquoi rassembler une trentaine de personnes, en écrasante majorité extérieures au journal, avec des profils très différents, qui n'ont jamais bossé ensemble, pour leur faire inventer un "truc d'info" qui fonctionne en 48h ?
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D'abord parce qu'en tant que média, nous avons un impérieux besoin de nous poser des questions sur ce que nous proposons aujourd'hui, ce que nous pourrions proposer demain, et de trouver de l'inspiration et des talents pour y répondre.
laboHackathoniens tels des poissons ... au LAB !

Ensuite parce que c'est dans notre ADN, au LAB Centre France, et que cela nous démangeait furieusement. Le LAB, c'est la cellule qui accompagne la transformation digitale du groupe Centre France.

Notre job : explorer des tendances, des moyens de raconter des histoires autrement, notamment sur le digital mais pas que, les expérimenter avec nos collègues de tous services et faciliter la transformation de nos produits, de nos process, et surtout de la "culture maison".

Par exemple, nous organisons différents formats de rdv pour parler usages et techno du digital avec les collègues, ou avec les managers. Nous avons lancé un réseau social d'entreprise pour partager veille et savoir-faire entre collègues, un programme d'innovation participative en mode "boîte à idées", ou encore proposé des "sprints créatifs", basés sur du design thinking, pour résoudre des problématiques des équipes.

Mais le LAB agit aussi en externe, avec les acteurs de l'écosystème, comme le Bivouac, l'accélérateur de startups qu'on a co-fondé ; l'Ecole Supérieure de Commerce de Clermont, dont les étudiants bossent avec nous sur l'intrapreneuriat ; Epicentre, un espace de coworking, qui bouillonne d'évènements innovants ; TEDxClermont, l'évènement inspirant dont on est partenaire actif, et plein d'autres. Et puis on organise des évènements hybrides, comme ce Journocamp qui nous a permis de rassembler 30 journalistes de toute la France pour causer data. Bref, explorer, expérimenter, accélérer collectivement.

Car si nous n'avons aucune certitude sur les contours futurs des médias locaux, nous sommes en revanche convaincu d'une chose : il faut échanger avec nos publics pour trouver un début de réponse. L'ouverture, le partage, la remise en question, l'expérimentation, le collectif : voilà les valeurs du LAB qui met le lecteur toujours au coeur. Ces valeurs sont aussi celles d'un hackathon.

Et nos lecteurs justement ? Soyons clairs : la notion de "hackathon" ne parle guère à la plupart d'entre eux. Mais au final, c'est tout de même eux que nous cherchons à servir, en ouvrant le journal aux expérimentations de tiers, en allant chercher ailleurs les couleurs de ce qui pourraient être les médias locaux de demain.

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Passer les projets au Lean Journalism Canvas, lancé par l'un de nos mentors, Damien Van Achter.

Bon, une fois le "pourquoi" établi, reste la question du "comment". Pour être honnête, on avait déjà tenté d'organiser un hackathon il y a quelques années. Un challenge finalement annulé quelques jours avant, pour un faisceau de raisons, dont on a tenu compte pour rebondir cette fois-ci. (Voilà une idée pour un prochain papier : "Comment on a finalement réussi à organiser un hackathon", ça vous dirait ? ^^) Résultat : une semaine avant notre Mediackathon 2018, on a suspendu les inscriptions, pour accueillir notre trentaine de hackathoniens dans de bonnes conditions.

Mais pourquoi / pour quoi sont-ils venus ?

Il existe des hackathons d'entreprises, dont l'objectif est de développer des solutions dédiées à l'entreprise accueillante. Le Mediackathon La Montagne n'avait pas cette vocation : propriétaires de tous leurs développements, libres dans leurs choix de supports, les équipes ont pu suivre leur idée pitchée le vendredi soir comme ils l'entendaient. A leur dispo, une base de données d'articles de La Montagne, des hébergements en ligne, des salles de créativité, des mentors de combat, et des bons produits locaux, grâce à nos partenaires de haut vol, GRDF, ATOS, Google News Initiative et O2switch ! Et un prix.

Dans la plupart des hackathons, il y a effectivement un prix. Certains y voient la carotte ultime dans l'acquisition de participants. En fait, nous n'avons précisé la nature des prix décernés que dans le courant de la semaine précédant l'évènement. Autrement dit, une fois les inscriptions bookées. Donc clairement, ce n'était pas le premier critère de choix des participants.

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Plusieurs mini confs au programme du Mediackathon. Ici avec Julie Fabre et Julia Coudert

Une grosse campagne de communication ? Non, un hashtag #mediackathon, un évènement facebook, et puis la part belle à l'humain : deux vidéos incarnées et la mise en avant de nos bien-aimés mentors, câblés médias bien sûr, mais surtout encore plus balaises en savoir-être qu'en savoir-faire. Tout au long du weekend, Sana Sbouai, Lionel Faucher, Gerald Holubowicz et Damien Van Achter ont oeuvré aux côtés des hackathoniens, pour les bousculer, les nourrir.

Donc pas de promesses de graal ou d'or, ni d'embauches, juste celle d'un cocon créatif où, le temps d'un weekend, l'imagination ne rivalisera qu'avec la compétence .

Et tout ça pour quoi au final ?

Le dimanche soir, elles étaient donc 5 équipes à pitcher leurs projets.
Petit tour de piste, talentueusement mis en dessins par Claire Antoine, aka The New Tech Girl.

#1 MAGM'ACTU : du journalisme au long cours, payant, en séries, écrit pour les jeunes actifs locaux.

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#2 EXPERIENCE : une plateforme pour partager des infos locales entre millenials, basée sur le partage d’expériences concrètes.

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#3 PACTOCRACY : suivre les engagements pris par les élus locaux, présenter les candidats aux élections locales de façon équitable.

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#4 CLF : une newsletter hebdomadaire ultra-locale pour rester connecté à son territoire, à son quartier et aux gens qui le font vivre.

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#5 EASY NEWS : une plateforme de partage de “stories” dédiées à l’info locale, entre contributeurs vérifiés, pour une info locale, dynamique et fiable.

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Et on en tire quoi d'un hackathon ?

D'abord on tire des enseignements sur l'organisation d'un tel évènement.
Qu'est-ce qu'on fera mieux la prochaine fois ? Nourrir les gens ... différemment !

  • Nourriture du corps : le développeur a généralement peu d'exigences. Une bonne connexion web, une multiprise. Et des pizzas. La seule fois où j'ai lu la déception dans les yeux des développeurs, c'est quand nous avons commandé 6 pizzas pour les mentors, qui étaient arrivés après la bataille du buffet du soir, garni de bons produits locaux. S'en est suivi le seul moment où j'ai vu les développeurs bondir de leur chaise. Lorsque je leur ai proposé les restes de la dernière pizza.
    buffetPrévoir pizza midi et soir. Et matin.

  • Nourriture de l'esprit : on avait bien prévu quelques datas (l'intégralité de nos papiers parus sur La Montagne les 2 derniers mois. Ce qui fait pas mal.), on leur a aussi donné quelques éléments de contexte sur la presse locale. Mais on ne voulait pas les abasourdir puisque l'idée n'était pas qu'ils développent des produits au service de notre titre. De fait, ils avaient vraiment très faim de données précises, sur nos lecteurs, leurs habitudes, et ce jusqu'à notre modèle économique, ce qui marche ou pas.

En résumé, pour le prochain Mediackathon, nous n'hésiterons pas à les suralimenter : la paroi intestinale du hackathonien est visiblement à toute épreuve.

Et à part le manque de pizza (réellement écrit dans les feedbacks 😙), les retours étaient positifs. Quand on demande leur avis aux participants par une note de 1 à 10, voici leur réponse.

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Et tout ça pour quoi ?...

On tire un double intérêt de notre Mediackathon :

D'abord, un vrai kif pour le format. Même si on a dormi pendant deux semaines ensuite. Souvenirs en images, grâce aux amis de HOPE, le média des entrepreneurs.

(Et pour les fous-dingues, retrouvez ici l'album photos by Quentin du LAB...

Ensuite, des projets de médias prometteurs : tous méritent d'être creusés, nourris. Et ce sera aux porteurs de ces projets de faire le choix ou non de poursuivre cette aventure en équipe. On peut d'ailleurs imaginer que certains fassent l'objet d'une collaboration avec notre journal.

Enfin, au delà de l'intérêt individuel de chacun des 5 projets présentés, c'est plus encore les individus rencontrés qui nous ont emballés. Des profils et des mentalités recherchés dans des écosystèmes en (r)évolution comme le nôtre. Ce hackathon s'est révélé être l'occasion de "sourcer" des talents, auxquels nous pourrions un jour faire appel. Et pour eux, on l'espère, d'avoir perçu la dynamique d'ouverture et d'innovation du groupe Centre France, pas forcément évidente au premier regard, nous le savons bien.

Et maintenant ? Nous voilà plus convaincus que jamais de la nécessité de poursuivre l'expérimentation ouverte. Ca tombe bien...

Le prochain gros dossier sur le bureau du LAB est le lancement d'un incubateur de médias et prestataires de services aux médias ...

Du coup, pour poursuivre les échanges et les enrichir, on a monté un groupe Facebook - le m:x // open media lab - , une communauté ouverte, qui rassemble tous ceux qui travaillent à la réinvention des médias locaux, des usagers aux journalistes, des développeurs aux graphistes, des passionnés aux curieux, en mode super "lean". Vous en êtes ? C'est là que ça se passe !

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